mercredi 30 décembre 2015

L'Etat, réparateur de pneumatiques

Je n'ai pas vraiment suivi les informations dernièrement, donc je peux me tromper (et ce ne serait sans doute pas la première fois) mais, il me semble avoir entendu parler de deux pompiers et d'un policier tombés dans un guet-apens en Corse au moment de Noël, un guet-apens comme il en existe beaucoup, et ce depuis longtemps, même si nous n'en entendons pas souvent parler, sauf dans quelques reportages à sensations.

Le phénomène n'est pas exclusivement français, précisons le.

Des Corses, pas vraiment d'accord avec ce manque de respect dû aux représentants des pompiers et des forces de l'ordre, auraient ensuite organisé une manifestation contre ces violences, manifestation qui aurait dérapé entre autre en saccages d'un lieu de culte.

Lorsque, il y a un jour ou deux, j'ai entendu parler de deux individus qui auraient été pris par la police, je me suis dit, "bien, pour une fois qu'on attrape ceux qui attaquent les pompiers".

Mais j'ai du me tromper encore une fois, car il s'agirait de deux jeunes qu'on soupçonnerait d'avoir participé aux saccages pendant la manifestation. C'est très bien, quand même, car il est tout aussi interdit de s'attaquer à la propriété d'autrui, que de tabasser des pompiers.

Néanmoins, quand j'entends que le ministre de l'intérieur doit se rendre en Corse pour s'occuper des problèmes liés aux manifestations, j'ai quelque mal à comprendre les nuances.

Depuis des années que les pompiers et la police se font attaquer dans des quartiers dits sensibles, je ne me souviens pas avoir entendu donner autant d'importance au déplacement d'un ministre de l'intérieur, et portant celui-ci est chargé non seulement de la sécurité intérieure du pays, mais il est aussi sensé, par ses fonctions, être l'ange-gardien des pompiers et des policiers.

Serait-il aujourd'hui plus important de montrer aux peuple qu'il n'a pas le droit de lyncher les estimés coupables comme autrefois dans les westerns, que de se préoccuper de la sécurité de ceux dont le travail est de s'occuper de notre sécurité à nous tous, y compris manifestants égarés.

Si l'Etat s'était occupé des attaques que subissent la Police et les pompiers, et ce depuis longtemps, il n'aurait pas aujourd'hui à s'inquiéter de manifestants qui dérapent, mais comme d'habitude, au lieu de chercher des solutions aux problèmes initiaux, on continue de mettre des rustines sur les rustines - jusqu'au jour ou le pneu ne tiendra plus, car on ne peut pas réparer un pneu ad vitam æternam.

Et un pneu qui éclate, je vous le confirme, il peut entraîner mort d'homme.

mercredi 16 décembre 2015

Circulos meos

Je viens de voir passer une information qui disait: "Face à la montée du FN, Manuel Valls a décidé de prendre des "mesures d'urgence" contre le fléau du chômage de masse, ancré en France depuis trente ans."


Si je décortique la phrase, je constate premièrement, que la montée en puissance du FN est la condition sine qua non pour la suite de ce qui va se passer.

Deuxièmement, je constate que notre premier ministre a décidé d'agir.

Troisièmement, je constate que le chômage de masse n'est rien de nouveau, car il nous pourrit la vie depuis trente ans.

Quatrièmement, j'additionne mes trois premières constatations, et je comprends que, sans la montée en puissance du FN, Manuel Valls n'aurait pas eu idée de s'attaquer aux chômage de masse, qui est pourtant en place  depuis plus longtemps que lui-même.

J'ose espérer qu'il s'agit seulement de ma façon plus ou moins tordue de comprendre ce que dit le journaliste, et que Manuel Valls aurait agi, même sans le FN. Sinon je vais être obligée de remercier les électeurs du FN d'avoir réussi à faire bouger le premier ministre... ce qui n'est pas encore fait, car la phrase se termine sans dire ce qui va être fait.

Je crains pourtant ne pas être seule à comprendre que seule la montée en puissance d'un adversaire redouté ait fait réagir notre premier ministre, et que sans cette menace, il serait resté tranquillement assis à sa place (comme beaucoup d'autres), au lieu de tout faire pour combattre notre ennemi, le chômage.

Si la menace de disparaître au profit d'un adversaire qu'on juge indigne d'occuper la place qu'on occupe soi-même, pouvait inciter la classe politique à faire des choses que les Français attendent d'elle, elle n'aurait plus rien à craindre de cet adversaire, et elle pourrait de nouveau se reposer sur ses lauriers.  

Un cercle vicieux, en quelque sorte...



lundi 16 novembre 2015

Les foyers de haine

Certains peuvent s'interroger sur mon absence des réseaux sociaux ce weekend, car je n'ai pas laissé d'empreinte particulier, et surtout pas de commentaire sur les tragiques événements de vendredi dernier, bien que je sois de tout cœur avec les  victimes et leurs proches.

Les attaques kamikazes qui font partie d'une longue série d'attaques terroristes aussi ailleurs dans le monde - que nous ne devrions pas oublier - auraient sans doute mérité un commentaire, mais j'ai préféré m'en abstenir dans un premier temps.

Je l'ai fait d'abord parce que je n'en ai pas eu le temps. Nous avions en effet promis à un couple plus âgé que nous, d'aller les aider dans leur jardin, et c'est ce que nous avons fait - car malgré l'horreur, la vie doit continuer. Si nous nous arrêtons de vivre comme d'habitude, nous donnons la victoire aux terroristes.

Je l'ai fait aussi parce que j'ai aperçu par ci par là de la haine. De la haine envers toute une catégorie de personnes dont personne n'a prouvé la culpabilité. Je n'ai pas voulu polémiquer, car je sais que la peur peut nous faire dire des bêtises.

Ceux qui s'occupent quotidiennement des questions liées au terrorisme, notamment les services du renseignement, ont sans aucun doute fait ce qu'ils pouvaient pour nous protéger au maximum contre les terroristes, mais comme il ne peuvent pas être partout à la fois, nous ne devrions pas les accuser d'avoir failli à leur mission.

On peut sans doute durcir les lois, et cela ne m'étonnerait pas que cela arrive - mais ne crions pas à ce moment-là, qu'on empiète sur notre liberté.

En attendant, il faut laisser aux spécialistes le temps de tirer les conclusions de ce qu'ils savent - au lieu de penser que nous savons tout mieux que ceux qui ont, plus que nous, les éléments en main.

Il y a peut-être une chose que nous pouvons faire, et c'est informer les spécialistes (la police) de ce dont nous pouvons un jour être témoin, et que nous trouvons suspect. Mais n'allons pas dénoncer tous ceux qui portent un nom à "consonance terroriste", car ce n'est pas le nom ou la couleur de la peau qui fait de quelqu'un un terroriste.  

Si nous nous mettons à haïr tous ceux qui viennent d'ailleurs et qui n'ont pas les mêmes coutumes, voir la même religion que nous, nous commençons à penser exactement comme les terroristes qui tuent pour ces mêmes raisons. Ne nous abaissons pas à leur niveau.

Défendons nos valeurs!



jeudi 17 septembre 2015

La peur de l'inconnu

Je suis outrée, quoique pas tellement surprise, par l'ampleur de la haine que l'on voit déferler, telle un tsunami gigantesque, sur les réseaux sociaux, dans les commentaires aux dessins, aux photos, aux vidéos, aux articles sur les réfugiés de guerre et les migrants en général.

Bien entendu, je devrais être habituée à ce genre de choses, ayant réceptionné une quantité phénoménale de PPS qui - souvent d'une façon voulue humoristique - essayent de me convaincre que les autres, peu importe lesquels d'ailleurs, sont moins bons, moins intelligents, moins beaux, etc, que le groupe auquel l'expéditeur et moi-même sommes sensés appartenir. J'en ai sans doute fait suivre quelques uns parmi les moins méchants, les plus drôles aussi, mais je ne le fais plus depuis longtemps. Je ne veux pas réveiller la peur de l'autre, présente en chacun de nous, et ces PPS ne font que banaliser cette peur qui engendrera la haine de celui qui est sensé être moins bien que nous.

Il est certain que l'homme a toujours (au moins aussi loin que je peux remonter le temps) eu peur de celui qu'il ne connaissait pas. Encore aujourd'hui, alors qu'on aurait pu espérer qu'Internet nous aurait rapprochés, malgré nos différences, grandes ou petites, l'homme a tendance à se méfier de celui qu'il croit différent.  (Parfois le fait que la personne habite l'appartement voisin suffit pour nous inciter à de la méfiance, voir plus, si pas d'affinités.)

Or, être ami avec quelqu'un sur les réseaux sociaux, ne veut pas dire que nous sommes prêts à accueillir cet ami chez nous, surtout si l'ami en question a des habitudes qui ne sont pas les nôtres. Si en plus, notre ami est en difficulté, avec le risque que cela implique de devoir le garder chez nous pour une longue période, alors on le supprime si le fait de l'ignorer ne suffit pas. (Comme aurait dit une femme politique suédoise en parlant des réfugiés qui voulaient rallier la Suède : "N'y a-t-il personne pour se mettre sur le pont d'Öresund avec une mitrailleuse?")

En période de vacances estivales, nous partageons des dessins et des vidéos d'animaux abandonnés à leur triste sort; nous serions presque prêts à pleurer à chaudes larmes devant de tels agissements, surtout si personne ne nous demande rien d'autre, tel que participer au financement de notre SPA locale. Nous avons d'ailleurs raison de nous émouvoir, car nos animaux de compagnie méritent d'être bien traités, bien nourris au lieu d'être laissés abandonnés lorsque nous avons autre chose à faire, et qu'ils commencent à nous brider dans nos envies.

Mais les mêmes personnes (non, pas vous qui êtes en train de me lire, les autres) qui s'extasient ainsi devant les chats et les chiens dont personne ne veut, ont pour les réfugiés de guerre, des hommes, des femmes, des enfants, une réaction bizarrement différent. Si le pays de ces personnes-là est en guerre, s'ils souffrent - surtout au point de vouloir quitter leur maison, leur village, leur ville, et leur pays - nous nous mettons à avoir peur d'eux à tel point que nous préférons fermer les yeux sur les cruautés qu'ils subissent, pour ne voir en eux que des envahisseurs,  des personnes qui vont venir empiéter sur nos plates-bandes, sur nos privilèges, que nous n'avons surtout pas envie de partager. Nous sommes des égoïstes, ce qui est sans doute normal, surtout dans des situations difficiles. 

Il en a toujours été ainsi. Personne ne peut prétendre que les migrations se sont toujours bien passées. Ceux qui ont été forcés de partir de chez eux, de leur foyer, pour s'installer ailleurs, forcés pour cause de guerre, de famine, de misère économique, n'ont jamais été accueillis autrement que par de la méfiance de la part de la population locale. C'est ainsi que se sont formés des quartiers qui perdurent encore aujourd'hui, et où la population devenue à son tour locale a, en grande majorité, des racines communes, même si elle est là depuis des générations. Il est normal qu'on veuille, surtout au départ, se retrouver avec des gens qui ont les mêmes habitudes que vous, notamment lorsqu'on a fui son pays pour survivre. Il est normal de vouloir en parler avec des gens qui le connaissent et qui l'aiment comme vous. La similitude ressemble, soulage aussi. Il faut bien pouvoir parler de ses problèmes, de la famille qu'on a laissée au pays, avec quelqu'un qui sait de quoi on parle, quelqu'un qui partage les mêmes souvenirs, les mêmes coutumes, le même point de vue.

Même ceux qui migrent parce qu'ils ont envie de changer, de voir d'autres pays, ont souvent tendance à rechercher la compagnie de leurs compatriotes.  Le besoin d'appartenir à un groupe est fort chez la plupart de nous. Les contacts sont plus faciles quand on parle la même langue, quand on a les mêmes racines, donc à peu près les mêmes goûts.

J'aurais pourtant aimé que l'éducation, et aussi l'information que nous pouvons difficilement éviter aujourd'hui, auraient aidé à faire de nous des êtres plus ouverts, plus compréhensifs envers les autres, mais apparemment il est encore aujourd'hui plus facile de haïr son voisin que de l'accepter, voir de l'aimer. Nous aurions pu nous servir des réseaux sociaux pour construire des ponts entre les gens, mais l'égoïsme et les peurs de certains sont toujours là pour participer à leur destruction.

Dommage.

***

"Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m'enrichis", (Citadelle)
"Seul l'inconnu épouvante les hommes. Mais pour quiconque l'affronte, il n'est déjà plus l'inconnu".  (Terre des Hommes)
Antoine de Saint Exupéry

dimanche 6 septembre 2015

Ma guerre

Je suis née trop tard pour avoir connu la guerre, mais je suis la seule de ma famille à être dans ce cas, je suis d'ailleurs aussi la seule survivante aujourd'hui.

Nous n'avions pas l'habitude d'en parler, mais parfois ma mère se laissait aller à des confidences. Je suppose qu'elle avait besoin d'en parler, en même temps qu'elle avait envie de se taire. Peut-être voulait elle aussi m'apprendre des choses, elle qui avait vécu sa première guerre, une guerre civile, à l'âge de trois ans. Elle me souhaitait de ne jamais en connaître, et je ne le souhaite à personne aujourd'hui.

C'est ainsi que bien malgré moi, car tout cela ne m'intéressait pas particulièrement à l'époque, j'ai appris que mes parents avaient envoyé ma sœur, née un an avant le début de la Guerre d'Hiver, dans une famille d'accueil à Stockholm, afin qu'elle y soit en sécurité. Pour une petite fille, se trouver avec des gens inconnus, n'était certainement pas ce qu'il y avait de mieux, mais en restant avec sa propre famille elle aurait risqué plus gros que la traversée en bateau.  Un déchirement, pourtant. Pour tous.

Je ne sais pas combien de temps elle y est restée, je sais juste qu'elle en est revenue, ce qui n'était pas le cas de nombreux autres enfants.

La guerre était toujours là quand mon frère, né trois ans après ma sœur, plongeait dans une fossé avec le restant de la famille, afin d'échapper à une attaque aérienne. Il avait tellement peur que pendant toute l'attaque il serrait à sa petite main une ortie, sans se rendre compte qu'elle lui brûlait la peau.

La peur, quand ils voyaient un quartier de la ville brûler au loin, quand les bruits de guerre s'approchaient trop, quand il fallait réveiller tout le monde, et courir se réfugier dans une cave afin d'échapper aux attaques aériennes. Tout le monde l'a vécue. Moi, je ne peux que me l'imaginer.

Ma famille a eu de la chance, personne n'est mort à la guerre. Tout le monde est revenu, même mon oncle, celui qui allait devenir mon parrain, et qui à l'époque n'était qu'un tout jeune homme, est rentré à la maison en un seul morceau, mais sans ses cheveux. Ils les avait perdus en même temps que sa jeunesse.

Je n'ai pas vu la guerre, mais quand je suis née, le pays était toujours pauvre et en train de payer d'énormes compensations de guerre au pays qui l'avait pourtant attaqué, par traîtrise, et sans avoir au préalable fait une déclaration de guerre (ce qui ne fût pourtant admis qu'en 1988, donc bien plus tard).

Moi, je le savais, car ma mère me l'avait dit, et je l'ai toujours cru, même si le grand voisin essayait de prétendre le contraire, et en y arrivant parfois aussi à se faire croire officiellement, ce qui agaçait prodigieusement mon père.

Enfants, nous ne nous occupions pas de la guerre que nous n'avions pas connue. Mon meilleur ami pendant les dix premières années de ma vie, Pa, était sans doute aussi insouciant que moi, bien que touché de près par l'expérience de ses aînés.

Je me rappelle un jour, Pa et moi étions au cinéma, dans une de ces salles où on passait informations et dessins animés en boucle. Soudain Pa s'exclame: "Regarde, c'est mon papa!" (Ce n'était pas dans un Tom & Jerry.) Tout autour de nous, on le traitait de menteur, mais c'était pourtant vrai. L'homme en uniforme était son papa, et mon voisin. Je le connaissais bien, tout comme je connaissais, et aimais, sa maman, Maj-Lis, que j'allais souvent voir dans sa cuisine, pour lui raconter des blagues de gamine. Je suis retournée la voir, dans sa petite maison de campagne, à la fin des années 1980. Son mari, qui allait mourir en 1989 était déjà proche de la fin à ce moment-là, et je n'ai pas pu le rencontrer.

Le papa de Pa fût promu major-général l'année de mes trois ans. C'était un titre qui imposait beaucoup de respect dans l'entourage. Je me rappelle encore la façon dont les gens le prononçaient, y compris mon père.

Le major-général avait été aide de camp du Maréchal Mannerheim pendant la guerre, c'est même lui qui avait inventé le cocktail qui porte le nom du Maréchal, un Mannerheim, composé à l'époque de spiritueux de style vodka de mauvaise qualité, de vermouth français et de gin, les deux derniers ingrédients ayant été ajoutés afin de couvrir le mauvais goût du premier.

Il continua à ce poste quand Mannerheim devint président, et il succéda à lui-même, en tant que premier aide de camp des deux présidents suivants, Juho Kusti Paasikivi et Urho Kaleva Kekkonen, les deux seuls que j'ai connus personnellement. 

Je n'ai donc pas connu la guerre, mais j'ai connu des gens qui s'y sont battus, tel l'homme qui allait devenir mon dentiste des années plus tard. Pendant la guerre, pour sauver sa peau, il s'est accroché à quelque chose qui flottait, et qui l'aidait à flotter par la même occasion, et il a traversé à nage le lac Ladoga dans l'isthme de Carélie, que la Finlande fût obligée de céder à l'Union Soviétique à la fin de la guerre. Il n'est peut-être pas la peine d'ajouter que mon futur dentiste n'en sortit pas tout à fait indemne. 

Les Caréliens, dont les terres furent cédées au puissant voisin en "dédommagement" (cela me rappelle un peu la situation actuelle quand ceux qui se défendent contre les voyous qui les attaquent, finissent par être jugés coupables) furent accueillis partout dans le pays. C'étaient nos réfugiés, et les reloger était un devoir et un honneur pour tous.

En face de chez nous, là où j'ai passé les vingt premières années de ma vie, il y avait, au pied de la Cathédrale Ouspenski, la plus grande église orthodoxe en Europe occidentale, un abri pour la population civile. Chaque mercredi (était-ce bien le mercredi ou un autre jour de la semaine?) à midi pile retentissait une sonnerie, une alarme, dans la ville. Ce n'était pas bien grave, c'était juste pour vérifier son bon fonctionnement. Si nous l'avions entendu à un autre moment de la journée, il aurait fallu courir se réfugier dans l'abri le plus proche. Tout le monde le savait.

Là où je déménageais ensuite, il y avait un abri identique. En fait, il y en avait, et il y en a toujours partout, car ils ont été rendus obligatoires par législation. Ce ne sont pas des simples abris anti-aériens, mais beaucoup plus performants.

Je n'ai donc pas connu la guerre, mais la période après ma naissance n'était pas simple non plus. La période de la guerre froide entre les deux grandes puissances mondiales se faisait ressentir partout dans le monde, et nous avions en plus à faire directement avec une de ses deux puissances le long d'une frontière de 1340 km, avec des miradors de part et d'autre, ainsi que des panneaux qui en interdisaient l'accès encore longtemps après ces premières années.

En outre, le fait que le pays souhaite élargir son commerce internationale d'avantage en dehors de l'Union Soviétique ne plût pas à celle-ci. Les relations diplomatiques furent interrompues avec entre autre le départ de l'ambassadeur soviétique en octobre 1958, et intervint une période appelé "gel de nuit" qui prit fin avec la rencontre du président Kekkonen avec Nikita Khrouchtchev et Andreï Gromyko fin janvier 1959 à Moscou. Les relations se dégradèrent de nouveau deux ans plus tard, à peu près en même temps que le mur de Berlin fût construit, et je me rappelle encore la crainte qui transpirait des grandes personnes même à l'encontre de la petite fille insouciante que j'étais.  

En se référant au traité finlando-soviétique signé en 1948, les soviétiques envoyèrent à l'automne 1961 aux finlandais une note diplomatique qui parlait de la menace représentée par l'Allemagne Fédérale, tout en sollicitant des consultations d'entraide militaire. Tout se termina - malgré la crainte qu'on pouvait avoir - pas trop mal.


C'était dans ces années d'incertitude politique, et aussi économique, avec beaucoup de chômage et peu d'espoir, qu'un de mes oncles décida avec sa femme d'émigrer vers un pays plus prospère et surtout des voisins moins belligérants.

Ce n'est sans doute que quelques années plus tard que je fus grande assez pour voir le film "Le Soldat Inconnu", réalisé d'après l'œuvre écrit en 1954 par Väinö Linna d'après ces propres expériences pendant la guerre de continuation. C'était un film en noir et blanc, réalisé en 1955 par Edvin Laine, qui retraçait la guerre entre des simples soldats finlandais et l'envahisseur. Le Soldat Inconnu a fait l'objet d'un second film trente ans plus tard, en 1985.

Je n'ai pas connu la guerre, mais la guerre est toujours là, quelque part. Elle tue des innocents, elle les déracine. Elle fait du mal non seulement à ceux qui y participent de gré ou de force, mais aussi aux autres innocents, même longtemps après. Elle déchire les familles, elle fait se réveiller en sueur des hommes et des femmes qui enfants ont souffert des traumatismes de leurs parents. Longtemps après. Les conséquences d'une guerre ne finissent jamais.

Les guerres ne sont pas décidées, ni souhaitées par les civiles, mais par des personnes avides de pouvoir, cupides de richesses, parfois aussi dictées par leurs propres peurs. Ils entraînent dans leur sillage des personnes qui pensent comme eux, et font ensuite se massacrer des innocents, tout en se mettant eux-même à l'abri afin de voir les richesses, le pouvoir s'accumuler pour eux.

Même les pays qui décident d'en aider d'autres ne le font pas par compassion, mais par intérêt. Quand la Finlande était en guerre, elle fût bien aidée par quelques volontaires, on ne peut pas le nier, mais quand par exemple les Français et les Britanniques proposèrent d'envoyer des bataillons d'aide par le nord de la Norvège et de la Suède, ils ne dirent pas que ce n'était qu'une toute petite partie qui aurait réellement été envoyée en Finlande, mais que la plupart des soldats serait restée dans le nord scandinave, là où il y avait de la richesse minière, plus intéressant à défendre qu'un pays agricole. 

L'histoire ne nous a pas appris grand-chose. La preuve, elle se répète tout le temps. Je ne peux que souhaiter qu'un jour nous puissions comprendre que la haine de l'autre ne mène à rien de bon, mais que des individus attisent cette haine pour nous envoyer les uns contre les autres, dans le seul but d'assouvir eux-mêmes leur cupidité de richesse, leur avidité de pouvoir. Et nous tombons très souvent, pour ne pas dire toujours, dans le panneau.

jeudi 6 août 2015

Migrations

Tous les jours ou presque, sur nous tombent des informations sur des migrants en détresse, que ce soit en Méditerranée, à Calais ou ailleurs. Les morts par centaines, par milliers même, finissent par n'être qu'une nouvelle parmi d'autres, et nous ne voyons plus que des envahisseurs dans ces formes humaines que nous apercevons rapidement sur une image commentée par un journaliste.

Tous les jours ou presque, nous sommes nombreux à râler contre ces migrants qui nous envahissent, et dont nous ne voudrions rien savoir.

Mais si nous regardions un peu l'histoire des migrations, nous devrions pouvoir admettre que ce qui pousse les hommes, les femmes et les enfants à quitter leur quartier, leur pays, est moins le plaisir du voyage que le vœux de survivre.

Qu'est-ce qui a poussé les irlandais à quitter leur île pour les Etats-Unis au 19° siècle, sinon la famine causée par la peste de la pomme de terre. La faim donne des ailes à ceux qui ne veulent pas en mourir. De toute façon, on n'a pas le choix. C'est partir ou mourir, même si on dit que partir est mourir un peu.

Qu'est-ce qui a poussé des couples finlandais à envoyer leurs enfants en Suède, dans des familles d'accueil, à peine cent ans plus tard?  Ils ne le faisaient pas pour le plaisir de se trouver en tête-à-tête, mais pour mettre leurs enfants en sécurité pendant la guerre, tout en continuant à se faire du souci pour eux, seuls chez des inconnus, et sans certitude de les revoir un jour. Beaucoup y sont d'ailleurs restés.

Les exemples sont innombrables, les peuples ont toujours migré. Où que nous soyons, nous n'avons qu'à regarder les noms de ceux qui se trouvent autour de nous. Les preuves sont là. Partout. 

Ce n'est jamais pour le plaisir qu'on s'entasse dans des bateaux surchargés en mauvais état, sans certitude d'arriver sains et saufs, sans savoir comment on va pouvoir se débrouiller une fois sur place, dans un pays où on ne connait personne, où on ne sait pas très bien comment on va pouvoir gagner sa vie. C'est tout simplement parce qu'on veut une vie meilleure,  une vie sans craindre continuellement que quelqu'un vienne vous chercher pendant les heures sombres de la nuit, pour vous fourrer dans un train pour une destination inconnue, tout simplement parce que vous ne plaisez pas à ceux qui sont au pouvoir, ou qui se battent pour y arriver. Voir à votre voisin...

Dans ces cas-là on migre pour survivre, pour ne pas mourir de faim, ou de la main des hommes qui font la guerre. Nous ferions sans aucun doute comme eux, si nous étions à leur place. 

Mais nous n'y sommes pas, et nous n'avons pas beaucoup de mémoire. Voilà pourquoi nous ne voulons pas de malheureux chez nous. Comment d'ailleurs recevoir ceux qu'on appelle toute la misère du monde? Nos pays vont mal, ils ont déjà vécu au-dessus de leurs moyens - et continuent de le faire. Comment alors ajouter des coûts supplémentaires aussi pour ceux qui demandent de l'aide? Les excuses sont bonnes.

Empêcher des hommes et des femmes à fuir la misère ou une mort quasi certaine n'est pourtant pas possible, et fermer les frontières ne servira à rien. La faim et la peur de la mort donnent de l'espoir à ceux qui veulent une vie meilleure, une vie tout simplement. Rien ne les arrêtera.

Il n'y qu'une solution, une seule. Il faut tout faire pour qu'il n'y ait pas de famine, pour empêcher la guerre dans les pays d'où viennent les migrants dont nous ne voulons pas, car s'ils avaient de quoi se nourrir, sans avoir à craindre pour leur vie, il est certain qu'ils préféreraient rester chez eux, à quelques exceptions près, car il y aura toujours aussi ceux qui migrent comme moi, sans vraiment y être poussés par la nécessité. Mais nous, nous sommes les bienvenus, car nous n'avons pas besoin d'aide ou de compassion.

mercredi 17 juin 2015

Pilosités

On en voit sans doute déjà moins, mais on en voit encore, des photos de jeunes femmes exhibant leur pilosité naturelle des jambes et des aisselles sur les réseaux sociaux.

Ce matin, sous la douche, j'y pensais, non pas pour savoir si j'allais attraper un rasoir, ni pour réfléchir à la question du jour: faut-il que je montre une photo de mes jambes et de mes aisselles sur le blog, mais à la raison qui pousse certaines femmes à mettre sur FB ou ailleurs sur les réseaux sociaux une photo d'elle-mêmes, levant les bras vers le ciel afin que tout un chacun puisse admirer leur courage, ou au contraire soupirer de dégoût devant l'apparition de quelques poils.

En effet, chacun peut avoir une bonne raison de faire ce qu'il fait, se raser pour - peut-être - une question d'hygiène, ou ne pas le faire pour pouvoir évoquer le naturel. Peu importe. Là, n'est pas ma question du jour.

Il me semble pourtant que des médias ont consacré quelques articles à la question: quelle célébrité, quelle starlette en herbe, quelle télé-réaliste ne se rase plus sous les bras.

Question vitale, sans doute, pour vendre du papier, donc bonne pour l'économie.

Mais se raser ou ne pas se raser n'est pas ma question. 

Ne pas se raser pour paraître naturelle, ou pour provoquer l'opinion, est sans doute un début de réponse, mais celle-ci peut se chercher plus loin.

Je crains que la raison principale n'ait rien à voir avec la volonté de vouloir être naturelle, car à mon avis (et je peux bien sûr me tromper) ces photos sont montrées pour la seule raison que le paraître a fait passer l'être au second plan.

Aujourd'hui le plus important est de paraître. Paraître naturel, paraître artificiel, peu importe, mais paraître pour exister, car pour être, l'être d'aujourd'hui ressent le besoin de paraître.

lundi 1 juin 2015

Survoler

Je vous ai déjà raconté, je m'en souviens, que plus jeune, dans mon adolescence, je m'entraînais à marcher sur l'eau, sans jamais vraiment devenir une championne.

Sans doute l'entraînement que je m'imposais chaque fois que je descendais les marches du ponton pour me baigner dans la mer, me fit-il pourtant du bien, puisque je réussis à rentrer un soir d'hiver en marchant sur la mer gelée, à peu près au même endroit où un élan se noya plus tard, en passant à travers la glace.

J'ai sans doute eu des intérêts un peu étranges dans ma vie, car la nuit dernière, en cherchant mon sommeil, quelque chose me rappela soudain que je savais aussi marcher sans que mes pieds touchent terre. La sensation me revint soudain, finissant par me réveiller plus encore. 

Ce n'est pas la première fois que cette marche quelques dizaines de centimètres au-dessus du sol me revient, bien que je ne la pratique plus depuis longtemps. (Sans doute mes quelques kilos superflus y sont-ils pour quelque chose....)

Vous vous dites sans doute que j'ai du rêver, et pourtant, je vous l'assure, je n'étais pas du tout endormie, je le sais. Ce n'était pas un rêve. C'était un rappel du passé.

J'ai commencé à pratiquer cette marche dans l'air à peu près à l'époque où le LSD commença à faire des ravages parmi les jeunes et les moins jeunes, les incitant à sauter par la fenêtre afin de planer dans le ciel. Nombreux furent ceux qui n'y arrivèrent pas, et qui s'écrasèrent des dizaines de mètres plus bas.

Le LSD n'est pourtant pour rien dans ma démarche. Je n'y ai jamais touché.

C'était en descendant les marches de notre entrée familiale que j'apprenais à mettre un pied devant l'autre, tout en le gardant dans l'air. Au début ce n'était pas facile, mais j'appris vite à faire plus d'un pas sans poser pied par terre, étonnant tout mon entourage, mais pas tellement moi-même.

Mes pieds, mes jambes s'en souviennent encore, mon corps et ma tête aussi. C'était une sensation très agréable d'arriver à survoler le sol. Elle n'était pas du tout irréaliste, et plus j'y pense, plus elle me revient.

Cette marche au-dessus du sol, je ne la pratiquais plus depuis longtemps, mais récemment quelque chose me fait y penser de plus en plus souvent.

La nuit dernière je ne me suis pas levée pour essayer, j'avais plutôt hâte de m'endormir, car je voyais l'heure avancer et je savais que le réveil allait sonner de bonne heure. En plus je ne voulais déranger ni DD, ni Foufou, par le bruit d'une chute éventuelle, due au manque d'entraînement.

Pourtant, cette sensation de pouvoir marcher au-dessus du sol est encore là, et tout en sachant que la chose est impossible, une petite voix me dit que je l'ai déjà fait, qu'avec un peu d'entraînement je le ferais encore!

***

Un psy pourrait sans doute trouver une explication à ces pas qui survolent le sol, et sans doute aussi au fait que je ne peux pas vraiment admettre que ce n'est arrivé que dans mon imagination. J'ai un doute. Un sacré doute. La sensation est tellement réelle que mes pieds ont de nouveau envie de s'élancer au-dessus du sol.

lundi 25 mai 2015

Foufou se promène

Foufou avança d'un pas déterminé dans ce que HPY s'entêtait à appeler la pelouse, bien que celle-ci eût plus l'apparence d'un herbage brouté par quelque brebis galeux, que d'une pelouse bien entretenue, tondue par un jardinier zélé au moins tous les quinze jours.

Il venait comme si souvent d'échapper aux griffes de son ennemi juré, le chat bicolore noir et blanc qui s'entêtait à venir l'embêter à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, pourvu que Foufou ne soit pas en train de dormir paisiblement dans les bras de DD ou de HPY elle-même.

Dormir dans leurs bras était d'ailleurs une des occupations préférées de Foufou, au même titre que partager le petit déjeuner, ou n'importe quel autre repas d'ailleurs, avec ceux qu'il avait choisis pour s'occuper de son bien-être.

Comme DD et HPY n'avaient pas souvent l'occasion de prendre leur petit déjeuner ensemble, sauf le samedi et le dimanche, bien entendu, Foufou avait calculé qu'il pouvait s'offrir dix petit-déjeuners en cinq jours. Il en profita.

C'est d'ailleurs pour cette raison que Foufou avait décidé qu'il avait besoin de bouger un peu. Il ne fallait quand-même pas devenir obèse à force de ne faire autre chose que manger et dormir, dormir et manger. 

Si seulement l'autre chat voulait le laisser tranquille, quand il se promenait tranquillement dans le terrain que HPY essayait tant bien que mal à apprivoiser un peu, charriant de la terre argileuse d'un coin vers un autre, afin d'y planter des fleurs, dont certaines survivraient et d'autres pas.

Foufou s'arrêta pour regarder de plus près un endroit qui avait changé d'aspect pas plus tard que quelques jours plus tôt, et d'où rien n'émergea encore.  Il avait pourtant vu HPY y enterrer des choses qui ressemblaient à des pommes de terre, nourriture dont il ne raffola pas. Par conséquent il décida de ne pas les déterrer mais de les y laisser.

Il faisait beau, bien que le soleil n'ait pas encore eu le temps de bien réchauffer la terre.

Les quelques plantes que DD avait semées ou plantées souffraient atrocement du froid et des maladies que le mauvais temps n'éloignait pas.

Voir le mildiou à la force de l'âge dès le mois de mai n'augurait rien de bon pour les récoltes futures.

Quelques radis de dix-huit jours avaient malgré tout eu le temps de pousser, avant de se faire dévorer par les autres membres de la famille, Foufou n'en raffolant pas.

De temps en temps on pouvait voir un jeune lapin venir inspecter les plantations, admirer les salades qui avaient du mal à s'étoffer, tellement mal que même un lapin affamé ne s'y intéressa pas plus que ça. Foufou ne daigna pas non plus s'intéresser au petit lapin en question, il avait tellement bien éduqué ses soi-disant maîtres, pour ne pas avoir besoin de chasser afin de ne pas mourir de faim, bien au contraire.

Si on ne comptait pas avec le chat noir et blanc, la vie de Foufou était bien tranquille. Il dormait un peu, il se promenait un peu, il mangeait un peu, et puis il recommençait un peu. Il se sentait bien heureux, et il le montrait fréquemment à DD et à HPY en venait se frotter contre leurs jambes, en les mordillant un peu, beaucoup, passionnément même parfois.



Aimer et se savoir aimé, était une chose d'une grande importance pour le bien-être de tous, et sans doute quelque chose qui manquait cruellement au chat noir et blanc, qui n'avait comme seule plaisir le harcèlement de ceux qu'il s'imaginait plus faibles que lui-même. Foufou aurait bien voulu lui expliquer qu'on obtient plus facilement ce que l'on veut en se montrant gentil et prévenant, que par des menaces et des gros mots.







dimanche 3 mai 2015

Merci

J'étais toute étonnée, comme chaque fois que je me rends compte que quelqu'un pense à moi. 

Non seulement étais-je étonnée, mais aussi très reconnaissante. 

En plus d'avoir pensé à moi, la personne qui l'avait fait, avait fait le lien entre moi et un oiseau noir, mal aimé des pêcheurs, qui prétendent que cet oiseau - pas si rare - décime les bandes de poissons qu'ils souhaiteraient pêcher eux-mêmes.

Cette personne avait obtenu, je ne sais comment et cela ne me regarde pas, un dessin*) d'une autre personne encore, inconnue de moi, mais qui elle aussi avait pensé à l'oiseau mal aimé de certains pêcheurs - mais pas d'un groupe de blogueurs qui avaient pu faire sa connaissance quelques années plus tôt.

Un sympathique poème complétait l'image (et au dos une explication, entre autres).

Je l'ai aussitôt imaginé encadré, accroché au mur à coté (ou plutôt en dessous) d'un oiseau plus petit, et de deux autres êtres qui me sont chers.

A la première occasion, direction le magasin où je pensais pouvoir trouver le cadre adéquat, et aussitôt rentrée, un peu de bricolage, quelque trous par ci par là, et l'oiseau noir trouva la place qui sera dorénavant la sienne.

Près de la porte d'entrée, il me rappellera l'amitié chaque fois que je passe par là.

Merci! 

***

*) Etegami de Debbie

lundi 23 mars 2015

La marée du siècle

Il était quasiment impossible d'approcher le bord de mer au moment de la haute mer, et j'aurais pourtant eu envie d'aller voir si les vagues léchaient les quais.

La route vers le port était complètement saturée, dans les deux sens d'ailleurs, car ceux qui n'avaient pas pu y accéder avaient été obligés de faire demi-tour, étant donné que toutes les places de stationnement étaient occupées.

J'ai donc dévié de la route à la première occasion, et je suis monté sur la falaise, afin de voir si je pouvais voir quelque chose de plus haut.

La mer était haute, c'est vrai, mais comme le temps était calme, ce n'était pas particulièrement spectaculaire.

Contrairement au riverains, j'aurais préféré une grosse tempête, avec des vagues monstrueuses s'abattant sur les maisons.

En poussant mes investigations un peu plus loin, j'ai quand-même constaté que le niveau de la mer dépassait le toit des maisons, comme le prouve le cliché suivant (sans trucage):


J'espère que les maisons n'ont pas été inondées.

mercredi 28 janvier 2015

Moumoune

Printemps 1996 - 28/1/2015

lundi 12 janvier 2015

Ma liberté d'expression

En 1956, la Finlande se choisit un nouveau président,  beaucoup plus jeune que celui qu'il remplaçait.

Du haut de mes quatre ans, je le trouvais grand et beau quand je le vis pour la première fois, et aussitôt les présentations faites je fis son portrait, tellement ressemblant que mes parents le gardèrent précieusement. Je le retrouvai longtemps après, caché dans un livre.

Je n'étais pas seule à tirer le portait du nouveau président de la république. Une personne beaucoup plus connue que moi, Kari Suomalainen, le fit également, mais son dessin à lui fut publié dans le quotidien Helsingin Sanomat, dont il était l'illustrateur politique depuis 1950. Ce fut un scandale pour certains.

C'était en effet la première fois qu'on publiait un dessin humoristique du président de la république.  Le dessin n'était pas méchant; il représentait Kari lui-même, devant un dessin du président, pleurant parce qu'il n'avait pas le droit de le dessiner.

Cette publication fut le début d'une longue série de dessins du président, bien que Kari n'épargna aucun autre homme politique, ni aucun événement important, s'attirant parfois les foudres venues de plus haut, lorsque ses dessins dépassaient les limites du moment.

Les caricatures politiques entrèrent de plus en plus féroces dans les mœurs, et Kari qui signait ses dessins de son prénom seul, devint très populaire jusqu'au jour, des années plus tard, où il y eut divergence d'opinion sur des dessins que certains trouvaient racistes, leur sujet étant des immigrés somaliens. 

***

Les choses restaient longtemps rigides. Il fallait monter du respect. Je me rappelle avoir discuté un jour avec Madame l'épouse du président, et de trouver un peu pompeux sa façon de parler de son mari. Elle me dit en effet, "mon mari, Monsieur le Président", comme si je n'avais pas su qui elle était... 

Je ne me rappelle plus quel âge j'avais, je devais être dans une de mes périodes difficiles, un jour d'été, en bavardant avec un des gardes de corps du sujet préféré de Kari, je changeais délibérément deux voyelles de son nom, l'appelant ainsi "le petit merdeux". A mon avis cela devait être juste un peu rigolo, mais non, le garde de corps ne l'apprécia pas du tout et me le fit aussitôt savoir. Heureusement il ne dit pas un mot de ce lèse-majesté à mes parents...

Aujourd'hui, on appelle le président de la république comme on veut, cela n'émeut plus personne - ou presque, car quelque part cela me chagrine, car au moins la fonction devrait être respectée (y compris par l'intéressé).

***

Quand, beaucoup plus tard, des journaux publièrent leurs dessins du prophète, je savais , car j'avais déjà un peu plus de quatre ou quatorze ans, que ces dessins pouvaient blesser des musulmans, tout comme d'autres "œuvres d'art" ont pu blesser des catholiques, je pense notamment à Piss Christ. 

Pendant ce laps de temps, une soixantaine d'années, on nous a appris qu'il était mal pour les finlandais de manger des "baisers de nègre" de chez Brunberg, et les français n'ont plus le droit d'acheter des "têtes de nègre" à leur boulangerie/pâtisserie. La publicité pour Banania est devenue de mauvais goût, tout comme celle pour la réglisse Hellas (ou Fazer, je ne me rappelle plus), tout simplement parce qu'y figurait le dessin représentant un homme des "colonies".

Les blagues sur les juifs sont proscrits, et avant de raconter ou de rire d'une histoire drôle, il vaut mieux se demander si elle ne heurte pas la sensibilité de tel ou tel groupe.

Il n'y a pas longtemps un député a été sanctionné pour avoir dit "Madame le Président" au lieu de "Madame la Présidente".

Les exemples sont nombreux et contradictoires.

***

J'avoue donc me perdre un peu dans les dédales de la liberté d'expression. Où sont les bornes des limites? Pourquoi aurait-on le droit de blasphémer (le blasphème est interdit dans certains pays, dont la Finlande) mais pas le droit de dessiner un noir sur un paquet de réglisse? Pourquoi peut-on rire d'une histoire blonde, mais pas d'une blague sur les juifs, sous peine de risquer de se trouver devant les tribunaux? Pourquoi cette différence en fonction du cible dont on se moque/parle en riant gentiment?

Il n'y a qu'une chose que je sais: on n'a pas le droit de tuer celui qui a (peut-être) abusé de son droit de s'exprimer librement. J'espère donc que personne ne me tuera pour ces quelques lignes - je n'aurai  pas non plus recours à ma kalachnikov si vous n'êtes pas de mon avis, préférant depuis longtemps le stylo moderne, le clavier de mon PC, et essayant, en même temps, de peser mes mots pour rester dans mes propres limites.