lundi 24 septembre 2018

Au départ il y eut un œuf



Il y a environ une semaine mes poules ont pondu leur premier œuf.

Bien entendu, je l'ai fièrement montré sur ma page Facebook, où mon amie Claude a aussitôt demandé ce que j'allais en faire.

Fidèle à mes habitudes de prendre certaines choses sérieuses à la dérision, j'ai répondu "une omelette".

Quelques nuits plus tard, ayant sans doute eu ma dose de sommeil nécessaire à ma survie, je me suis rappelé une leçon de français donné à des étrangers, dont moi,  il y a bien des années. 

On y parlait de la prononciation du mot "omelette", certains élèves disant "hommelette".  L'enseignant  nous avait alors expliqué que le mot "hommelette" n'existait pas, mais que son contraire se disait "femmelette". (Comment peut exister le contraire de quelque chose qui n'existe pas?)

Selon notre enseignant Français, une femmelette n'était nullement une femme, mais au contraire un homme, un homme efféminé. (Le Larousse donne aussi la définition "petite femme", mais je n'ai jamais rencontré le mot employé dans ce sens, et j'avoue ne pas me rappeler l'avoir souvent entendu en parlant d'un homme efféminé, non plus.)

Aujourd'hui il vaut d'ailleurs mieux éviter de traiter un homme de femmelette, ni d'efféminé. On aurait sinon aussitôt sur le dos des représentants de la communauté LGBT, qui y trouveraient une connotation diffamatoire et contraire au respect que nous devons tous aux homosexuels. (Ils sont friands de vengeance - ce qui peut se comprendre -  et j'ai vu aujourd'hui qu'ils vont  peut-être attaquer en justice Campion, le roi des forains, pour avoir dit que parmi les pervers qui gouvernent Paris il y a des homosexuels.)

Pire, des adeptes de la théorie des genres nous tomberaient dessus pour expliquer qu'il ne faut pas différencier les hommes et les femmes, et surtout pas des femmelettes et des hommelettes, tous étant égaux et identiques.

Je n'ai donc rien dit, j'ai juste pensé un peu trop fort, et vous l'avez peut-être mal entendu.

Dans un autre commentaire sur ma page Facebook, Claude m'a conseillé des poules noires, car selon elles, ce sont les noires qui pondent les plus gros œufs. Je ne sais pas pourquoi, mais son commentaire m'a fait penser entre autres aux romans de Harold Robbins, dans lesquels les protagonistes féminines croyaient que les noirs avaient un sexe plus gros que les blancs.  Aurait-on aujourd'hui, quelques décennies plus tard,  le droit de dire ceci, et de l'écrire? Ou serait-on peut-être accusé de racisme? On pourrait peut-être s'en tirer, en disant qu'on ne faisait qu'appliquer la discrimination positive dans ses paroles...

Mais je vais sauter du coq à l'âne, ce qui est compliqué alors qu'on n'a ni l'un, ni l'autre, mais seulement deux poules qui jusqu'à aujourd'hui n'ont donné qu'un petit œuf par jour. Je soupçonne l'une des poules de ne pas participer au jeu de l'œuf quotidien, mais de faire grève afin que je lui témoigne plus de respect au lieu de l'appeler "poulette". Il faut que je fasse attention à ce que je dis, car j'ai tendance à ne pas trop réfléchir aux conséquences - comme vous avez peut-être pu constater.

Mais revenons à nos moutons (je n'ai que de ceux qui se glissent sous les meubles sans braire bruyamment) et par conséquent aux omelettes.

Le mouvement végan qui interdit à ses adeptes de manger quoi que ce soit en provenance du règne animal, n'accepte pas qu'on mange des omelettes, ni des œufs, et encore moins des poules. Pour manifester leur refus, certains de ses sympathisants s'attaquent à des boucheries, et il y a même eu un cas où un végan a trouvé "bien fait" le fait pour un boucher de s'être fait tuer lors d'une attaque terroriste, ce qui m'a amenée à me demander pourquoi on peut juger bon le fait de tuer un homme mais pas un animal, alors qu'en même temps on prône l'égalité de toutes les espèces. Sans doute, comme disaient déjà les cochons d'Orwell, certains animaux sont-ils plus égaux que d'autres...

Mais pourquoi garderais-je des poules, leur donnerais-je à manger, si je ne pouvais en tirer aucun profit à part l'engrais que peut me fournir leur fiente?

De même, verrait-on encore des vaches regarder les automobiles passer, si personne ne faisait du fromage avec leur lait, ni des bons plats avec leur viande?

Je peux continuer ainsi avec les autres animaux de la ferme, qui s'ajouteraient bientôt à la liste de ceux  en voie de disparition,  si on n'en tirait aucun profit. Sauraient-ils seulement se débrouiller si aucun éleveur ne s'en occupait plus?

Il est vrai que nous ne sommes pas loin du jour où les microbes  fabriqueront de la viande à base de cellules-souches, mais ce jour-là je pleurerai mes poules, leurs petits œufs et l'époque où on pouvait encore s'amuser avec des mots, sans crainte de se faire traîner en justice parce que quelqu'un aura trouvé que les mots utilisés sont diffamatoires, manquent de respect, et qu'il faut se taire si on n'est pas de l'avis jugé politiquement correct.

Au départ de cette réflexion il y avait un œuf - pas une poule.