Quand il m'arrive de demander à mon entourage "A quoi penses-tu?" et que j'obtiens la réponse "A rien!", je suis toujours aussi incrédule et étonnée, car ma tête à moi a la particularité de ne pas s'arrêter de penser. C'est au moins l'impression qu'elle me donne, mais bien entendu, il est possible que je me trompe. Elle aussi le fait.
Si je n'apprécie pas quelqu'un, ma tête essaie de comprendre, afin de ne pas juger sans connaître les circonstances atténuantes. Ceci m'évite de détester ou de haïr, et rend la vie plus facile.
Par contre, si j'apprécie quelqu'un, ma tête pense à autre chose.
Quand je ne dors pas la nuit, ce qui est fréquent en ce moment à cause de ce fichu boudin qui a poussé à mon cou depuis un mois, et qui me gène de jour comme de nuit, ma tête se met à réfléchir, ce qui sauve mes nuits, car au moins je suis occupée à quelque chose d'intéressant.
Comme avant, il m'arrive d'écrire des histoires de cormorans et autres dans la tête, tout en rigolant silencieusement afin de ne pas perturber le sommeil de DD (et des chats s'ils sont là).
Il m'arrive aussi de penser à des choses plus sérieuses, comme à la vie et à la mort - ce qui n'est pas nouveau, non plus.
Ma tête avait depuis longtemps déjà calculé les probabilités de la cause de ma mort future à 50/50 par une maladie cardiovasculaire (du coté de la famille de ma mère) et par le cancer (du coté de la famille de mon père), en faisant abstraction des possibilités de mort par accident domestique ou routière, ou toute autre cause possible. Il ne faut pas trop compliquer la vie de sa tête quand-même!
Depuis que deux tiers des enfants de mes parents arrivés à l'age adulte sont morts de maladie cardiovasculaire, ma tête a été obligé de refaire ses calculs, et en faisant appel à diverses théories sur les statistiques et la probabilité, elle est arrivé à un autre résultat, qui lui n'a plus rien à voir avec 50/50.
Quand au moins de juin on, à partir du radiologue chez qui on m'avait envoyé pour un examen de routine et qui a voulu qu'on fasse des examens plus approfondis, en passant par le généraliste qui le premier a lâché le mot cancer en parlant plus de risque que de probabilités, jusqu'au chirurgien qui a décidé d'opérer et de retirer ce qui avait intrigué le radiologue, afin de savoir ce qu'il en était, ma tête aurait du être conforté dans son idée sur les raisons de ma mort future.
Encore plus, en écoutant le chirurgien énumérer toutes les raisons qu'il y avait pour que l'opération se passe mal, dire qu'on allait faire une biopsie pendant l'intervention afin de savoir s'il fallait retirer plus que prévu, et que si jamais c'était un cancer on pouvait tout de suite commencer le traitement par chimio avec de bons résultats, j'aurais du - il me semble - être inquiète.
Mais il n'en était rien, et je me demande si c'est parce que ma tête avait déjà calculé une probabilité beaucoup plus grande que celle annoncée par les médecins qu'elle ne s'est pas affolée. Elle le savait déjà! Il n'y avait rien de nouveau!
Je me suis pourtant dit, qu'en expliquant ainsi aux futurs opérés toutes les choses qui peuvent mal se passer, les médecins - tout en se préservant, car il font signer une décharge qui dit qu'on a tout compris et qu'on l'accepte - font peur aux patients. Trop peur même à certains pour qui l'annonce d'une éventuelle maladie grave arrive comme un choc.
Depuis l'opération il y en a qui veulent tout savoir, on discute et on parle. C'est ainsi que ma tête a été conforté dans cette idée qu'elle avait, à savoir que trop expliquer peut nuire à certains. Ainsi il n'en a pas fallu beaucoup pour qu'un jeune homme se jette sous la première voiture venue afin de ne pas mourir de la maladie qu'il n'avait pas. Il a fallu toute la persuasion d'une famille aimante pour qu'il accepte d'attendre les résultats de l'opération. Il va très bien aujourd'hui!
Je me rappelle mon beau-frère H, mort d'un cancer fulgurant sans le savoir et heureux de sortir sous peu de l'hôpital où je lui ai rendu visite quelques jours après son opération "de routine". Les médecins avaient - en accord avec sa femme, ma sœur - préféré ne rien lui dire afin de ne pas gâcher ses derniers jours. Je pense qu'ils ont bien fait, car il n'a jamais eu le temps d'avoir ni peur, ni mal.
Mais où voulais-je en venir? J'ai du m'endormir trop tôt pour que ma tête finisse sa pensée, mais en tout cas, j'espère la garder encore longtemps, car ce qui me fait plus peur que de mourir, c'est sans doute de la perdre. Et pourtant, quand on ne l'a plus, on ne s'en rend pas compte, parait-il!
PS. A part le boudin je vais très bien. Ma tête aussi.